Analyse et critique

 

36- Lisieux, l'ancien chemin de halage au bord de la Touques

huile sur toile de lin, 33 x 41

 

Une grandeur de toile réduite permettant l'exécution en quelques heures. Ce format qui est appelé "Figure" par ses rapports de proportions est parfois plus pratique que le format dit "Paysage" plus allongé, l'orientation dans les deux sens me semble plus harmonieux pour les sujets que je choisi. Sur des dessous ébauchés au pinceau en camaïeu de brun et rouge clair l'exécution rapide au couteau ne laisse aucune place aux détails. Supprimer les petits machins qui font bien dans le tableau est souvent difficile, il faut choisir la seule expression de la touche qui soit juste et du premier coup. Ce type de travail est intéressant car si de près les tâches sont vraiment "laides" il suffit de prendre du recul (comme le fait d'ailleurs l'écran réduit d'un PC ou d'un mobile) pour que le sujet soit reconstitué intégralement, et ça c'est bien le but recherché. En fait je reviens ici à une touche impressionniste, la division des tons est certes imperceptible d'apparence, et cela est  presque abstrait. Mais comme disait Claude Monet "je ne peins que ce que je vois et ça doit ressembler quand même à quelque chose" ! Ou alors il ne faut peindre que du contemporain et là ce n'est plus mon propos.

 

37- Lisieux, la rue Aristide Briand

huile sur toile de lin, 33 x 41

 

Cette toile prouve bien que dans certains petits coins de Lisieux je peux encore trouver des endroits sympas à peindre. Il suffit d'ignorer les ignobles panneaux indicateurs ou du code de la route, les panneaux "à vendre" etc... et d'un coup de pinceau magique on se retrouve au moyen-âge. Cette rue (coupée bizarrement en deux)  est l'ancienne rue de la Paix, elle-même ancienne rue du Doyenné, et avant je ne sais pas ! Les touches de couleurs appliquées au couteau (ici un seul modèle d'outil) permet de reconstituer par coulées de tons juxtaposés un dessin final qui reconstitue à distance le sujet. Ce genre de sujet pour Lisieux pose un problème, en effet, nous sommes bien en 2017 et il ne s'agit pas de peindre comme si nous étions en 1700 ou 1900. Le risque encore plus grand est de se voir confronter (et assimilé) aux quelques rares peintres des siècles passés qui avaient la chance d'avoir sous leurs yeux un extraordinaire paysage citadin fait de multiples maison à pans de bois sculptés. Ci-dessous un panorama vous montre les détails de photos prises à quelques centimètres de la surface.

Comme sur la toile précédente la construction du dessin en camaïeu demeure visible par endroit.

38- Lisieux, la Touques dans la vallée

huile sur toile de lin, 33 x 41

 

La Touques n'est pas vraiment une rivière puisque c'est en fait un petit fleuve qui se jette dans la Manche. Cette vue la représente en réalité lors de sa traversée de la Zone industrielle, et trouver un angle qui évite les énormes hangars en tôles qui bordent ses rives n'est pas simple. Pour moi qui viens d'un pays de grandes rivières aux berges majestueuses, les cours d'eau du Pays d'Auge sont une énigme. Leur débit, qui varie de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres selon la saison, est déroutant, leur aspect souvent crasseux est aussi un sérieux problème pour un peintre, il faut ouvrir et fermer les yeux en même temps ! Quand à la couleur de l'eau c'est surprenant, soit transparente soit un torrent de boue sale, alors il est utile de jouer avec ses tubes de couleur pour faire croire que c'est de l'eau qui coule !  Un autre soucis est l'abattage de plus grands arbres, une manie lexovienne qui fait des ravages.

39- Lisieux, le bas de la rue Henry Chéron

huile sur toile de lin, 33 x 41

 

Avec cette toile il est possible de se croire transporté aux siècles passés. C'est en partie vrai, sauf que pour en donner l'illusion il faut ignorer les fourgons en stationnement, ignorer les innombrables enseignes commerciales qui s'accrochent partout sur les colombages et ignorer les bâtiments modernes incrustés... tout en respectant scrupuleusement la vérité d'aujourd'hui ! Cette rue est la principale de Lisieux, la plus ancienne peut-être. Avant la guerre c'était la "Grande rue" et du temps des romains la voie principale d'Est en Ouest.  Cette partie de la rue qui, de nos jours ne mène pratiquement nulle part, était avant celle qui menait au pont de Caen (donc la sortie de La ville franchissant la Touques) est bizarrement l'une des moins empruntées, la reconstruction d'après guerre en a modifié l'utilité et comme elle ne comporte pas de plaque signalétique de nom de rue elle est hors de connaissance des touristes.

Le panorama défilant ci-dessous vous explique comment des vibrations de couleurs qui semblent un véritable "embrouillamini" finissent par laisser surgir ce que le peintre veut voir et qu'il désire que vous voyiez, avec pour but principal de laisser planer une poésie du sujet, même s'il n'en vaut pas la peine, et ceci dans la sincérité de l'émotion (ce qui demeure pour moi l'essentiel) 

40- Lisieux, vieil aulne au bord de la Touques

huile sur toile de lin, 33 x 41

 

Cet arbre est une très vieille souche d'un aulne qui pousse littéralement les pieds dans l'eau de la rivière. Des arbres comme celui-ci il y en a beaucoup le long de ce petit fleuve, leur tronc est lisse argenté et mordoré. C'est un genre de tableau un peu "casse gueule" car trop minimaliste dans son sujet et embrouillé d'un amas de branchages qu'il faut élaguer "virtuellement". La galerie défilante qui suit vous explique le cheminement des principales étapes de l'exécution. Il est curieux de se demander, image après image, où le peintre a finalement l'intention d'emmener le spectateur. Ce n'est pas, justement, parce que cet arbre est si tourmenté que l'esprit du peintre le soit tout autant, c'est peut-être la difficulté graphique qui accaparant l'attention au cours de l'exécution libère le motif.   

 

41- Lisieux, Automne sur le dôme de la basilique Sainte Thérèse

huile sur toile de lin, 46 x 38

 

 J'aurais très bien pu peindre cette toile dans deux endroits différents de France, cette particularité est surprenante. Le plus étrange est la ressemblance involontaire avec certaines toiles d'autres peintres impressionnistes d'un autre siècle.  Et c'est assez logique puisque la Basilique Sainte Thérèse de Lisieux est sur un modèle romano-byzantin repris sur le modèle du Sacré Cœur de Montmartre. Et pour tout vous dire, dans les années 1966 j'ai souvent peint sur Montmartre et c'est normal puisque c'est bien le berceau de ma famille (j'en parle plusieurs fois dans d'autres pages). La difficulté étant de ne pas faire genre copié-collé ni d'imiter un Utrillo ou un Monet, et encore moins un de ces plus ou moins vrais peintres de la place du Tertre. En ce qui concerne Lisieux, je me suis positionné un peu au dessus de la basilique sur le plateau Saint Jacques, ceci me permettant d'avoir un premier plan de végétation servant d'écrin au dôme qui ainsi ne se retrouve pas propulsé au milieu du ciel. Je précise qu'il est très facile de ne pas confondre le dôme des deux basiliques.

 

 

 

42- Lisieux, la tour Sud de la cathédrale Saint Pierre.

huile sur toile de lin, 46 x 38

 

Maintenant je vais expliquer ma démarche à propos des toiles récentes que je viens de faire sur Lisieux. A la vérité c'est un vieux projet que j'avais déjà évoqué il y a 15 ans (j'avais prévu une importante série impressionniste). Mon intention est de peindre dans Lisieux la ville telle que vous pouvez la voir aujourd'hui, mais j'ai décidé de supprimer tout ce qui ne me plait pas, donc pas de trucs d'urbanisme et de pub, pas de bagnoles, pas de camions, etc. Et je veux partager une vision de la ville dans ce qu'elle devait avoir, avant, de "beau", peut-être de trop pittoresque mais tellement proche de la vérité du quotidien, un vrai reflet de la vie d'une belle petite ville de province. Alors j'applique le privilège d'un peintre "interpréter la vision réelle pour en poétiser "sa propre impression" et surtout essayer de la partager avec tout le monde (y compris ceux qui n'aiment pas).
Afin de rendre plus vivant une explication un peu technique je vous ai préparé une série de petites vidéos...

 

Donc jeudi matin je mettais en place mon dessin, reprise au pinceau en rouge c'est tout, un petit quart d'heure suffit. en début d'après midi deuxième étape, couvrir la toile d'un lavis type camaïeu, à base de rouge de mars et de jaune cadmium moyen. Au pinceau souple, lavis dilué au pétrole, je ne veux plus peindre brillant donc j'élimine l'essence de térébenthine. Travail rapide aussi, pas plus d'un quart d'heure, pourquoi ? Parce que c'est une habitude de plein air, devant un paysage tout bouge rapidement, les nuages, la luminosité, les ombres, et parfois le sujet, donc il faut tout noter le plus vite possible. Autre chose, ce camaïeu offre l'avantage de couvrir le blanc de la toile et permettre une meilleure harmonisation des couleurs, c'est aussi la distribution des masses, des valeurs, et paradoxalement des futures couleurs, car lorsque l'on sait dominer un sujet en lavis d'un seul ton c'est exactement comme si on "notait" les couleurs réelles. L'exemple que je peux donner est la photo en noir et blanc qui en art est supérieure à une banale photo en couleur.

Vendredi après-midi j'attaque sérieusement avec mes couteaux, Je précise que le maniement de cet outil barbare est sans mystère, il faut juste savoir s'en servir sans donner de la monotonie puisque (apparemment) les effets en sont moins subtils qu'avec une brosse en soie... et pourtant... je m'en sers depuis si longtemps (l'outil que vous voyez sur la vidéo est dans ma boîte à peindre depuis 60 ans !) que je peux peindre avec des brosses ou des couteaux sans que la différence... soit vraiment identifiable. Pourtant ,avantages du couteau (pour moi): rapidité dans le travail, couleurs super propres, juste à essuyer avec un sopalin, fraîcheur absolue des tons, séchage ( relatif) étonnant permettant toutes les reprises immédiates sans déranger les dessous, une merveille pour travailler. Evidemment il faut être précis dans une apparence de désordre, c'est à dire "enlever" sa touche sans faire de chichi. Et surtout à ce stade il ne faut plus du tout dessiner, on oublie tout, sans hésiter on avance, même si on ne sait pas très bien où l'on va ! J'avoue, j'ai un avantage, je suis ambidextre et malgré mes 75 ans je ne tremble pas d'un poil, donc s'assure vite et bien (enfin je crois !).

le "squelette' du tableau est à-peu-près équilibré, il est temps de passer au plus difficile "peindre réellement". Ouvrir ses tubes en choisissant les bonnes couleurs, des couleurs qui doivent déterminer l'harmonie finale du motif, tous mes tubes sont depuis si longtemps sélectionnés pour leur plus grandes qualités que je peux presque les déterminer sans réfléchir. Le plus souvent je dispose d'avance mes couleurs dans un ordre à peu près logique( sans être psychorigide, faut pas exagérer quand même, sinon il n'y a plus aucun plaisir à peindre) et je les mélange avec un agglutinant supplémentaire à base de résines naturelles. Comme je ne travaille plus qu'avec des couteaux à peindre il n'y a plus besoin de diluant. L'important est de composer sur la palette les bonnes couleurs à poser sur la toile et il n'y a plus qu'à se lancer... L'idéal, pour conserver sa "sincérité d'émotion" est d'essayer de travailler sans s'appesantir sur la technique, en l'oubliant ce serait parfait, un genre d'automatisme, ne penser qu'à transmettre ce que l'on ressent, simple et compliqué je le conçois !

Samedi, pour être certain de ne pas trop me tromper dans les tons je suis descendu dans Lisieux centre  pour vérifier, parce que peindre de mémoire c'est bien mais faut pas exagérer non plus... donc quelques corrections... Une petite vidéo vous permet de voir les horribles taches de couleurs au raz de la toile, difficile de croire que tout ça va devenir de loin des formes très identifiables. C'est un des artifices les plus intéressants de la peinture au couteau telle que je pratique, tout n'est que suggestion avec le moins de précision possible, ça fait un peu peur !

Avec ce tableau, huile sur toile 46x38, ai-je fait une "œuvre d'art", je n'en sais rien et ce n'est pas mon ambition. Ai-je fait une "œuvre de l'esprit" selon la terminologie administrative, oui c'est évident. Comme n'importe quel peintre je mets tout mon cœur à peindre et plus encore aujourd'hui puisque je peux me permettre de ne faire que ce que je veux et que ce qui me plait.

 

43- Lisieux, le haut de la rue Henry Chéron un soir de pluie

huile sur toile de lin, 46 x 61 

Il s'agit de la partie haute de la rue Henry Chéron, autrement dit l'ancienne grande rue qui a conservé un côté sauvegardé de maisons à pans de bois, certaines datent du XV et XVI ème siècles pour les plus anciennes, ensuite du XVII au fin XIXème. La plupart sont classées monuments historiques depuis 1929 et 1931. Pour peindre ce genre de vue il y a plusieurs options, soit rester strictement dans notre époque et ces superbes bâtiments restent au second plan, soit se transporter aux siècles anciens et tomber dans le folklore. Il m'a semblé (idée tout à fait personnelle sans aucune prétention) que la neutralité et l'objectivité étaient plus correctes et plus honnêtes. Comme pour toutes les autres vues de Lisieux j'ai supprimé les objets parasites. Je me suis autorisé quelques audaces de perspectives afin de "resserrer" le motif sans le dénaturer, ceci pour privilégier d'avantage les immeubles les plus anciens. Il restait un écueil majeur, éviter le style carte postale. Mes notes et ébauches m'ont orienté vers une idée d'atmosphère, une idée s'inspirant de cette lumière normande des soirs de pluie, qui donnent des ciels tourmentés et lumineux à la fois. J'ai essayé... j'ai peut-être réussi... !

La grande différence qui existe, ou qui devrait exister, entre la peinture et le dessin est assez simple et évidente : Dans la nature, dans toute la nature, il n'existe absolument aucune ligne, aucun tracé, aucune délimitation de forme. Le monde qui nous entoure, du fin fond d'une mine de charbon à l'horizon le plus pur ne se distingue dans sa forme que par la lumière, donc par les couleurs qui se côtoient, qui s'ajoutent, se superposent. Et un peintre est là tout bête avec sa palette sur laquelle il va distribuer des petits tas de boue colorée. Alors si jamais il dessine les formes qu'il veut représenter ça va se compliquer, je persiste à penser qu'un peintre n'est plus un dessinateur, même si ses dessous sont solidement ébauchés, il a l'obligation de ne jouer qu'avec des tâches de couleurs.

Et les taches de couleurs, autrement dit les touches de couleurs, qu'elles soient les virgules de Monet ou les petits bâtons de Van Gogh, jouent à recréer une illusion des formes, des volumes, de la lumière. Vous rendez vous compte de la performance pour transposer une vue en 3D sur une surface plane ? Sur les 4 images vous voyez des traces biscornues, dans toutes les directions, (je travaille le couteau à peindre dans tous les sens), sans aucune précision apparente, j'évite de dessiner tous les colombages je les suggère, et cependant de loin un dessin apparaît comme par enchantement... comme dans la nature. Un jeu de construction, un désordre voulu et trompeur, des coulures de couleurs, beaucoup en tons purs, d'autres en mélanges réfléchis. Tout cela avec une seule obsession, exprimer ce que l'on ressent pour que celui qui va regarder puisse recréer en soi un autre monde ou le même !

44- Lisieux, Le Manoir des Mathurins, aile Nord.

huile sur toile de lin, 27 x 41 (6P)

 

Le Manoir des Mathurins est le plus beau, le plus intéressant, le plus important manoir de Lisieux de la fin du Moyen Age. Il tombe en ruine totale et est laissé maintenant à l'abandon ! Plus de détails dans la page "dialogues" article n° 57.

 Le cadrage du motif est assez difficile à découvrir et la simplicité d'un petit détail des bâtiments noyés dans les pommiers donne à ce motif un caractère authentiquement sincère de la Normandie !

Les images défilantes ci-dessous montrent en détail mes petits  "tripatouillages" de couleurs au couteau.  Et comme d'habitude en regardant l'ensemble de loin le dessin surgi sans avoir été dessiné... c'est comme ça que j'aime peindre, peindre ce que l'on ressent devant un paysage et pas vraiment ce que l'on voit. 

45- Lisieux, l'arboretum côté Nord.

huile sur toile de lin, 54 x 73 (20P)

 

A Lisieux, il existe un "arboretum", c'est à dire un grand terrain plus ou moins sauvage qui sépare la ville des riches de la ville des pauvres. De magnifiques arbres offrent ce genre de paysage mais ils sont de plus en plus abattus pour des raisons que j'ignore. Peu fréquenté, je n'y rencontre jamais d'artistes peintres, à Lisieux, il n'y a pas de peintres de plein air. 

 Le travail véritable de mise en couleur est entièrement exécuté au couteau à peindre, ici, j'ai fait ce choix par habitude du travail rapide de plein air et pour ne travailler que par touches sans aucunement dessiner les détails. La pâte est plus ou moins épaisse dans la touche, les tons sont utilisés soit en couleurs pures juxtaposées soit superposées en mélange. La touche au couteau est soit très large soit distribuée dans tous les sens et partout à la fois. Ce qui est intéressant est de croire que la toile terminée restitue réellement le paysage tel qu'un spectateur pourrait le retrouver sur place, il n'en est rien, de près, c'est un épouvantable embrouillamini de couleurs. Je vais vous montrer tout à l'heure des détails curieux.

Outils utilisés : deux couteaux. Choix des couleurs : Peu de blanc de titane, Beaucoup de bleu outremer foncé, un peu de bleu cobalt et de cæruleum, Rouge indien (oxyde de fer), Jaune cadmium clair, moyen et foncé, Vert émeraude et vert oxyde de chrome, ocre jaune.
Actuellement, je laisse le séchage se poursuivre encore un ou deux mois et ensuite je verrai si je dois ajuster certains tons en glacis, mais je ne crois pas. Dans cette technique avec base de résines naturelles, il n'y a pas de vernis final.

Ci-dessous je vous donne la progression des trois étapes principales de l'exécution.

Cette image représente la mise en place d'un sujet typiquement impressionniste puisqu'il s'agit de saisir le jeu de lumière à contre-jour d'un paysage. Ici c'est l'arboretum de Lisieux côté Nord. Comme beaucoup de peintres impressionnistes j'organise ma surface selon des règles précises, je sais que pour l'amateur ceci n'a aucune importance mais croyez-moi beaucoup de peintres savaient parfaitement ce que cela voulait dire, de Monet à Utrillo et tant d'autres ! Si vous pouvez, essayez de trouver les trois lignes principales de cette construction sur ma toile. Ce premier état est la mise en place rapide du dessin, à grands traits et une première distribution des valeurs d'ombre et de lumière. Il faut être rapide dans l'exécution puisque c'est le seul moyen de saisir l'instant de vérité de ce que doit représenter la toile finie. Utilisation de deux couleurs : rouge indien et jaune de cadmium clair, couleurs à l'huile largement diluées à l'essence de térébenthine, pinceau souple. La toile de lin étant enduite de Gesso le séchage de cette première ébauche est suffisamment rapide pour continuer immédiatement la séance de travail.

Deuxième état
Le travail de peintre de plein air dans le style paysagiste impressionniste (ou simplement figuratif) demande de la précision rapide pour noter en une heure tous les principaux éléments qui vont constituer l'ossature de " l'œuvre " (je m'amuse). Plus sérieusement, c'est à cet instant que le peintre peut savoir si le choix du sujet est bon et s'il a la capacité de mener son travail correctement sans trahir sa vision et surtout sa sincérité. Et plus surprenant, si ce deuxième état est satisfaisant et reflète bien la vision du peintre, ce dernier pourrait continuer sa toile presque de mémoire, comme le faisaient d'ailleurs beaucoup de peintres dans le temps, exemple : l'école de Barbizon. Attention, contrairement à ce que disent trop de gens, un peintre impressionniste ne copie pas servilement le sujet qu'il peint, il restitue sa propre vision des formes et des couleurs et surtout de la lumière, n'oublions pas " Impression soleil levant ". Ce qui veut dire qu'il y a aussi une participation imaginative importante, il y a création !
Exécution. Evidemment uniquement couleurs à l'huile, frottis ou lavis, dilution plus ou moins à l'essence de térébenthine chargée de résine copal. Utilisation de brosses larges pour éviter les détails parasites. Ce deuxième état a pour but de distribuer les masses de tonalité sur la base des masses de valeurs précédentes et de " nourrir en maigre " la toile en recouvrant presque totalement sa surface, ainsi la bonne santé des couches finales est assurée puisque tous les empâtements peuvent se superposer sans risque. Deux remarques cependant, concernant uniquement ma manière de travailler. La première "ossature " reste toujours visible, elle le sera d'ailleurs même le tableau terminé. Et surtout, je n'utilise pas mes couleurs telles qu'elles sortent du tube, je leur adjoins une charge plus ou moins dosée de résines dures et tendres dont le but est d'obtenir des pâtes de natures identiques permettant le travail sur la toile sans risque d'embus et en conservant toujours un aspect satiné-mat. Je ne peins plus de toiles brillantes. J'explique tout de cette méthode dans les pages de mon site.
Couleurs employées : jaune de cadmium clair et moyen, rouge indien, bleu outremer, bleu de cæruleum, vert émeraude et un peu de blanc de titane.

Ci-dessous des petits morceaux de la toile terminée. J'ai volontairement éclairé violemment la prise de vue pour mieux vous faire comprendre le jeu subtil des couleurs et des touches de la pâte au couteau, sans détails parasites.

Je disais que mes toiles sont toujours construites sous le premier tracé du dessin pour assurer une bonne mise en place de l'ensemble du sujet à peindre.
Donc j'ai mis en gris la toile représentant l'arboretum de Lisieux pour vous expliquer. Essayez de voir toutes les lignes en rouge, elles organisent la surface et permettent de situer les principaux éléments en les équilibrant. Exemple la ligne de base (qui pourrait être la ligne d'horizon) passe par la jonction des courbes au tiers de la toile. Beaucoup de peintres utilisent ce genre de tracé même inconsciemment, par habitude ou même en ayant l'œil des bonnes proportions. C'est tout bête, fort simple et cela donne, principalement en paysage il faut le dire, un sentiment d'équilibre dans n'importe quel motif à peindre.

je vous montre ici ma palette en fin de la dernière séance de travail. Donc en reprenant mes commentaires précédents, mes outils sont simples pour peindre ce tableau, vous les voyez tous. Les couleurs à l'huile dont j'ai déjà donné tous les détails sont soit utilisées pures soit en mélange sur la palette, et vous voyez bien que le nombre de mes couleurs utilisées pour cette toile est réduit, quelques tubes pas plus.

46- Lisieux, sur les bords du Graindin

Huile sur toile de lin 50 x 65 (15P)

 

Peint à Lisieux sur les bords du Graindin (qui n'est pas une rivière), cette toile exprime une atmosphère typique du Pays d'Auge avec cette lumière irisée diffuse.
Si vous suivez la progression des différentes étapes de l'exécution vous comprenez aisément qu'un tableau, laid ou beau, doit se composer de manière logique. Je précise, il ne s'agit pas de peindre totalement morceau par morceau, le ciel, puis les arbres, puis la rivière, etc. Non, il faut peindre exactement comme si l'on superposait des filtres les uns par-dessus les autres. Attention, ceci n'interdit absolument pas le travail rapide, du genre ébauche, réalisé sur place où la nécessité de noter le sujet permet de sauter les étapes.

Ci-dessous je vous montre les principales étapes de l'exécution de cette toile :

Comme toujours, après avoir fait la première mise en place du motif que je désire peindre, je fais la distribution des masses et des valeurs. Au pinceau rond japonais, en camaïeu contrasté à base de rouge indien (oxyde de fer) et de jaune moyen (cadmium). Cette toile de lin est recouverte de deux couches de gesso.

Après la mise en place des masses et des valeurs, il s'agit de distribuer les tonalités générales sans s'occuper d'aucun détail. Les couleurs à l'huile sont réduites à trois ou quatre tubes, mes couleurs additionnées de résines dures et tendre (copal différents) sont appliquées à la brosse large en frottis partout à la fois pour "nourrir" la toile et essayer de déterminer déjà une harmonie.

Le travail est bien avancé, couche après couche, partout à la fois pour conserver l'unité (et ne pas perdre en route la sincérité de l'émotion). Sur cette toile l'exécution est à la brosse, une seule pour tout dire, 2,5 cm de large pour le travail de base et au couteau pour les rehauts . Sur la préparation de mise en couleur par frottis, les couleurs en touches larges, sans détails, sont appliquées en demi-pâtes et pâtes plus ou moins épaisse. Ce qui est important est l'unité de l'exécution. Il reste toutes les finitions pour ajuster certaines tonalités et donner une "affirmation" dans le ciel. Maintenant vous devez vraiment avoir deviné l'endroit du tableau. Ce qui est intéressant dans ce paysage lexovien est l'atmosphère d'un jour classique, pas de soleil de canicule, pas de " sombritude " de jour de pluie. Donc une lumière qui vient d'un peu partout. Le cadrage est particulier, en effet j'ai fait la mise en place en partant juste de l'endroit où était mon chevalet, j'aurais peint le bout de mes souliers ! Ceci donne l'impression de rentrer dans le paysage.

 

L'exécution finale de cette toile devant, dans mon idée au départ, être poussée d'avantage que dans une toile plus simple, j'ai d'abord travaillé à la brosse et ensuite les dernières touches (assez nombreuses) retravaillées au couteau de façon à accentuer la franchise de touche qui manque toujours un peu avec les brosses. Dans un paysage comme celui-ci cela aide à une meilleure lecture des différents plans, surtout lorsque la perspective est réduite. Ici en effet le premier plan n'est que le sujet principal constitue de la masse des arbres de gauche et du terrain vague à droite. La deuxième zone étant le cabanon de jardin entouré de quelques arbustes. et la fuite du fond n'étant constitué que d'une mince haie. La ligne oblique du petit ruisseau coupe la toile en deux pour rejoindre le ciel d'où l'absence de soleil en éclairage direct distribue des tonalités par simples tâches.

47-  Orbec, vu des bords de l'Orbiquet

Huile sur toile de lin 50 x 70 (15P)

Techniquement, la dernière exécution en pleine pâte est faite au couteau recouvrant en grande partie les dessous à la brosse, toujours dans le respect du gras sur maigre nécessaire dans la technique à l'huile. Le but final est d'obtenir un aspect semi-mat (je ne peins plus brillant). Au fond, ce n'est pas compliqué, juste de la logique et l'avantage de peindre avec des résines naturelles est de pouvoir travailler sans aucun risque dans le frais et le demi-frais en évitant les embus pendant plusieurs jours. Après, il faudrait attendre de nombreuses semaines avant de reprendre son travail, mais au couteau mieux vaut travailler d'un seul jet même en plusieurs fois. Et au risque de me répéter, c'est plus pratique en plein air et j'en ai de toute façon une plus grande expérience. Comme d'habitude, j'attendrai quelques mois pour vérifier si des glacis sont nécessaires pour harmoniser des tons après séchage.

Ci-dessous vous voyez mon chevalet sur site et deux étapes importantes de l'exécution, la mise en place en camaïeu de rouge et les frottis de tonalité générale.

48-  Orbec, vue sur le clocher

Huile sur toile de lin 30 x 40  

 

Une petite toile rapidement exécutée hier à la brosse et au couteau, en extérieur il faut savoir saisir la lumière mais aussi savoir interpréter, un peintre n'est pas un photographe. Des taches de couleur plus des taches de couleurs et peu à peu le dessin apparaît... Sur cette toile une chose m'a intéressé à peindre, c'est la répétition des verticales. Savez-vous aussi comment j'ai construit l'emplacement exact du clocher sur la surface de ma toile ? Une chose est certaine, faire tout dans le même vert ne sert pas ni la luminosité ni l'ambiance, et pourtant sur ma palette il n'y avait qu'un seul vert !

Quand il fait chaud et que la côte est inabordable tellement les touristes envahissent tout je préfère traîner mon chevalet dans la campagne du Pays d'Auge, c'est plus calme, il n'y a souvent presque personne ! Pas de peintres non plus d'ailleurs...

49-  La source de l'Orbiquet

Huile sur toile de lin 41 x 50 

 

J'ai travaillé cette toile sur le motif avec une lumière très normande, lumineuse mais sombre en même temps, diffusion de l'humidité. La deuxième séance plus troublée dans son atmosphère m'a décidé à reprendre les éclairages et la tonalité générale.

Ci-dessous une galerie des différentes étapes d'exécution. J'ai ajouté un commentaire que j'avais écrit sur ma page Facebook, l'histoire est étonnante. 

 

Je reviens sur ce site très agréable des sources de l'Orbiquet. Une des plus intéressantes sources de Normandie, un système vauclusien avec une eau d'une très grande pureté que cette rivière conservera jusqu’à sa traversée de Lisieux où elle deviendra une vulgaire rivière pas toujours très propre....
Donc ici nous sommes au Sud de Lisieux à La Folletière-Abenon, un petit village qui a mis tout son cœur à aménager ce site digne de tout artiste-peintre à la recherche d'un motif pour y planter son chevalet... ce que j'ai fait vendredi. Vous voyez donc ma toile presque terminée en fin d'après-midi.
Une explication sur le parasol, il ne sert qu'à filtrer l'excès de luminosité qui dans certains cas peut me gêner pour étudier mes couleurs à l'huile. Le coin est si agréable que je pense revenir.

Inutile de vous répéter pourquoi je commence toujours les mises en place en camaïeu lorsque je commence une toile. Aux sources de l'Orbiquet j'étais donc en plein travail, quelques minutes pour tracer les bases du motif. Quelques promeneurs s'arrêtent (poliment) ce qui ne me gêne jamais. Une petite fille d'une douzaine d'années me demande si elle peut rester à regarder, bien évidemment...elle restera deux heures assise à tout observer... ! Quelques questions de temps en temps, savoir si je peins avec de l'huile (oui), savoir pourquoi je ne peins qu'en rouge (mais attend, tu vas voir). Son frère plus jeune pense que je dessine très bien (je suis ravi)... deux gamins tellement évolués que tout en travaillant je réponds à toutes leurs questions même si de temps en temps ils se parlent dans une langue bizarre (mais là j'ai bien compris pourquoi). Sur cette toile je n'ai fait aucune construction habituelle, juste une distribution de masses, l'important étant quand même de ne pas planter bêtement le clocher pile au centre !

Voilà maintenant le moment de brosser hardiment en frottis légers pour distribuer les tonalités et ainsi "nourrir" la toile. Ceci permet par la suite, et aussitôt, de poser les rehauts de couleurs définitives avec une plus grande justesse que sur une toile blanche. << Ah bon c'est pour ça, me demande la fillette avec des yeux ronds, j'ai jamais vu ça >> Qu'elle ne s’inquiète pas, elle n'est pas la seule ! Maintenant voici le moment de distribuer sur ma palette les vraies couleurs sortant de mes tubes et auxquelles j'ajoute huile et copal, et là, ceci intrigue au plus haut point mon admiratrice (c'est une image qui pourrait servir à bien des adultes). Nouvelles explications. Et le plus de la curiosité va être le travail définitif au couteau à peindre, l'enfant ne comprend plus rien, me voir travailler si vite et partout à la fois sans jamais dessiner quoi que ce soit lui semble impossible. Elle ne bronche pas. Les taches de couleurs comme d'habitude provoquent de loin la sensation d'un dessin complexe. C'est à ce moment que je remarque les parents assis derrière moi sur le muret. Vous dire les questions intelligentes serait trop d'orgueil ! Mais le plus étonnant est qu'à chaque fois que tout le monde demandait à l'enfant de rentrer à la maison (en fait ils habitaient à côté), rien à faire, une observatrice à toute épreuve. Au bout de deux heures et demie, le tableau presque achevé mais pas terminé pour autant elle se lève et me dit << Bon ça y est maintenant j'ai tout compris, je sais comment vous allez finir le tableau>>, une maturité artistique étonnante, je sais qu'elle pourra voir le tableau vraiment achevé sur mon site. Et poliment tout le monde est rentré chez soi... Ce sont des journées comme ça qui aident un peintre à "peindre", pour soi et surtout pour les autres !

50- Port Blanc, l'île aux femmes

huile sur toile 30 x 40

 

 Le style de toile rapidement enlevée du bout du couteau que je préfère exécuter en plein air, peu importe les conditions. Motif, luminosité extraordinaire, simplicité du sujet, tout est sublime pour un impressionniste.

 

 

Si j'aime peindre en Normandie, la Bretagne, ici les Côtes d'Armor, offre beaucoup plus de sites merveilleux, et les admiratrices sont plus nombreuses aussi ! Il est aussi des endroits difficiles à peindre sur la côte à cause des marées très importantes, mais c'est ce qui en rend le travail encore plus passionnant.

Un vrai peintre impressionniste est avant tout un peintre de plein air, il peut aussi peindre des portraits, des natures mortes et des vases pleins de fleurs, mais dehors tout est si compliqué que cela rend le travail encore plus passionnant.

Il ne faut pas craindre de transbahuter tout son matériel et risquer parfois d'avoir l'air ringard !

51- Les ruines du Château fort de Fauguernon

 huile sur toile 61 x 50

Cette toile a une curieuse histoire, je vais regrouper ci-dessous les publications et commentaires que je viens de mettre sur ma page Facebook.

Si je remets l'image de cette toile c'est pour une expérience personnelle. cette toile à été commencée sur place en 1980 et non terminée car la brigade de gendarmerie du secteur m'a obligé à remballer tout mon matériel (j'avais planté mon chevalet sur le talus à trois mètres de la route et les gendarmes jugeaient ma présence illégale...)
Donc cette toile est restée au fond de mon grenier pendant 40 ans et le jour où j'ai enfin terminé l'aménagement de mon nouvel atelier à Lisieux j'ai décidé de la reprendre. Mais gros problème, le paysage n'est plus le même, la végétation a tout envahi. Alors comme l'été dernier j'avais fait des croquis et aquarelles du même endroit j'ai décidé de tout reprendre à zéro, mais sur la toile d'époque (toile que je montais moi-même, soit une toile de lin fort tendue sur châssis et marouflée d'une toile de lin fin avec encollage à la colle Totin, enduit à la caséine et plâtre amorphe). Et j'ai commis le sacrilège de tout décaper sauf la première mise en place du motif, ébauche que je savais retrouver grâce à mon expérience en restauration d’œuvres d'art). Ceci pour vous expliquer que je désirai conserver absolument la composition et la perspective d'origine pour recomposer dessus un nouveau tableau dans mon style actuel. La tristesse de cette peinture ne me pas semble utile d'être sauvegardée.
Ceci exécuté volontairement dans mon nouvel atelier pour tester l'éclairage astral que je viens d'installer. j'avais une chance sur deux de me planter !
a suivre...

Donc comme expliqué hier j'ai commis le sacrilège (précision à l'intention d'une critique d'art avec qui j'échangeais sur ce sujet) de décaper cette toile. Tout l'art consiste à retirer les différentes couches de peinture à l'huile pour mettre au jour, sans la détruire, la première ébauche et le dessin de la mise en place. Il faut savoir que décaper des couches de peinture à l'huile sèche est une opération risquée et dangereuse si on ne connaît pas les étapes originales du tableau, la destruction totale est inévitable. Une précision est de savoir que si l'essence de térébenthine est le diluant type de couleurs à l'huile fraîche elle n'a absolument aucune action sur les couleurs sèches. Une seule solution, l'acétone, et de la patience, relayée ponctuellement par une finition au white-spirit si nécessaire neutralisée par un passage à la térébenthine.
Voici le résultat en fin d'après-midi : j'ai récupéré toute la base de mon exécution préparatoire d'il y a quarante ans, ouf ! Il me reste à réfléchir à la suite du travail...

 

 

Pour ce soir je vais continuer sur le même sujet que ce matin, même si dans le contexte du Coronavirus et des municipales à Lisieux, ça peut sembler sans intérêt (deux événements qui commencent à me taper sur les nerfs, pour des raisons différentes, quoique !).

Après le traitement de décapage sans pitié du tableau qui me préoccupe en ce moment j'ai repris la totalité du motif en jus de couleurs à l'huile diluées à l'essence de térébenthine. Le but est double : recouvrir d'une nouvelle couche nourrissante en pigments enrichis la surface un peu maltraitée par le décapage. Et surtout recomposer en tonalités plus claires le sujet que je désire conserver. Et là, un souci se voit clairement, si dans la première composition exécutée sur le motif les proportions et la perspective sont justes et se noient dans les tonalités sombres, il ne va pas en être de même dans le nouvel éclairage que je souhaite donner à cette toile. Je vous en explique les données : Sur cette toile le motif apparaît trop linéaire, c'est-à-dire que l'ensemble du motif principal (ruines et bâtiments de ferme construits à côtés) se trouve sur le même plan. Or dans ce sujet il n'y a pas de perspectives aériennes (je précise que la perspective aérienne n'est pas une vue prise par un drone, mais la succession des différents plans jusqu'au plan lointain de l'horizon. Donc un blocage de profondeur qui n'est pas excellent, alors une seule solution, modifier cette perspective à l'intérieur de la nouvelle composition.

Pour mes lecteurs qui s'intéressent à la technique je répète que l'art de faire un tableau est de traduire une vue en trois dimensions sur une surface plane donc en deux dimensions. Ceci à l'aide d'artifices de jeux de proportions et d'opposition de couleurs (en gros c'est un peu ça). C'est ce qui différencie la peinture au sens exact avec l'art déco et encore plus avec l'art contemporain dont le but est de créer un art visuel plat.

Demain je vous montre la finalité de ma démarche.

 

Presque terminé ! " les ruines du château fort de Fauguernon " huile sur toile 61 x 50
Quand j'écris "presque terminée" c'est parce que la peinture est toute fraîche, elle demande quelques jours de repos (pas de séchage, on verra ça dans un an...). Ceci pour expliquer que dans quelques jours je regarderai avec un œil encore plus critique, peut-être devrais-je corriger un minuscule détail mais en général je ne le fais que rarement. La seule chose qui doit être fignolée est purement technique, je ne parle pas des phénomène de l'embus (parties devenues mates) c'est un souci que j'ai définitivement résolu (voir dans mes commentaires techniques sur mon site), non c'est assez bête finalement. Cette toile est travaillée à la brosse et au couteau, si vous pouvez vous y retrouver n'hésitez pas, et au bout d'une semaine je repasserai très légèrement un large couteau à peindre pour aplanir les éventuelles petites "cornes pointues" qui sont toujours plus ou moins la conséquence d'une exécution rapide au couteau.

Lorsque l'été dernier j'ai fait cette plume rehaussée d'aquarelle devant les ruines du château de Fauguernon c'était aussi un peu dans l'idée de refaire le fameux tableau commencé en 1980. La toile que je viens de recomposer est, pour moi, un motif trop restreint, à l'époque je voulais m'attacher principalement aux ruines de cette forteresse et j'avais donc planté mon chevalet en contrebas en bord de route. L'idéal serait, sur une toile plus grande, de reprendre un paysage beaucoup plus ouvert en y incorporant davantage d'arbres et de verdure. Ce n'est pas impossible que je m'y mette un jour prochain car pour tout vous dire ce site extraordinaire n'est qu'à une dizaine de kilomètres de mon atelier actuel !

Cette image désaturée est amusante, on se retrouve au 18ème siècle... Le but est simplement d'expliquer la modification de perspective que j'ai apportée sur ma composition originale. Pas grand-chose en apparence, j'avais vraiment respecté les bonnes proportions mais ceci donnait un aspect sans aucune profondeur. Comme il n'y a pas de ligne d'horizon (ici impossible) et aucune ligne de fuite réelle, j'ai légèrement réduit l'ampleur des bâtiments de ferme à droite pour privilégier le motif des tours en ruine à gauche. Ainsi la toile est plus aérée, en attendant d'en faire une autre avec une vue aérienne plus accentuée et très ouverte.

Pour analyser et faire la critique (au sens correct) d'un tableau rien de tel qu'un fragment, un détail particulier. Facile de constater que je ne dessine pas, je pose des touches de couleurs, les unes à côté des autres, ou les unes par-dessus les autres (ce qui n'est pas la même chose). Comme cette toile est travaillée en atelier il n'y a aucune nécessité de précipitation dans son exécution, oui, c'est que l'on peut croire ! Seulement il faut rester dans l'ambiance d'un travail sur le motif, dehors. Donc, devant mon chevalet je me suis servi d'ébauches, dessins et aquarelles préparatoires, comme d'ailleurs beaucoup d'impressionnistes, Monet se servait même de photos ! Alors pour retrouver la sincérité de l'émotion devant un motif d'atelier il faut retrouver une certaine fougue, une rapidité d’exécution évite de "bidouiller".

En peinture à l'huile classique il n'existe pas beaucoup de verts, c'est finalement à l'artiste de recomposer sur sa palette les multiples nuances qu'il désire ensuite poser sur sa toile. Il n'y a que le vert émeraude et le vert oxyde de chrome qui soient vraiment recommandables, ensuite les bleus mélangés aux rouges donnent les tons sombres, mélangés aux oranges les tons intermédiaires, aux jaunes pour les tons clairs, et jamais de blanc qui donne un ton crayeux aux verts. Et ne pas oublier de faire des tons gris-vert, ceux qui aident à faire "passer" les plans, les masses, autrement dit c'est de la cuisine d'atelier !

La découpe d'un détail dans une toile peut recadrer un autre angle de vue intéressant, une autre toile dissimulée dans la grande. D'ailleurs cette sorte d'échancrure entre les arbres donne aussi une grande profondeur de champ discrète. La faille entre les ruines des remparts fait penser à une gorge taillée entre des falaises surmontées d'arbres et de végétation envahissante, un peu dans le genre d'une poésie de Lamartine "Jocelyn". Une idée aussi d'un coin de la forêt de Fontainebleau ou le type de paysage favori des peintres de Barbizon.

52- L'ancien jardin de l'Evêché de Lisieux

huile sur toile 70 x 50

 

Le jardin public de Lisieux en période de confinement.

Dernières retouches, peut-être imperceptibles, donc ça y est, fini, terminé, enfin achevé ! Une atmosphère reconstituée en atelier, sous confinement total...

Série explicative des étapes d'un travail en atelier :

application à grands coups de pinceau d'un jus très dilué à l'essence de térébenthine, à base de rouge de Venise et de jaune de Cadmium. Ceci permet de noter l'essentiel, dessin, masse, volume, et de donner à la surface blanche une tonalité chaude et lumineuse ce qui aide à l'équilibre de la mise en couleur du fond

Mise en tonalité colorée, couleurs à l'huile très diluées à l'essence de térébenthine, ce qui s’appelle en jus,brossée partout, simple recherche d'harmonie. Si vous êtes observateur vous devriez remarquer un détail. La composition s'organise sur une grille qui apparaît mieux maintenant, à vous de la découvrir.

Je continue ma vie de confiné en conservant le moral comme je peux !

Pour cette toile, les jus d'hier sont vite secs, ce qui permet de commencer les premières touches en pleine pâte, si j'ai travaillé toute la mise en place et les jus avec pinceaux et brosses, c'est maintenant le couteau à peindre qui va entrer en action (un seul et c'est bien suffisant). Mes mises en place semblent avoir disparues mais ce n'est qu'une impression.

La difficulté réside dans l'exécution en atelier et non sur le motif selon mon habitude. J'utilise des ébauches et des notes réalisées l'année dernière à la même époque qu'aujourd'hui. L'important est d'essayer de retrouver dans cette situation de confinement le même esprit de sensibilité que si j'avais planté mon chevalet "dehors" !

Je ne travaille qu'une ou deux heures pour mieux occuper mes journées jusqu'au 11 mai...

Donc j'avance dans le travail en pleine pâte, faire une toile en atelier comme si on était dehors, sur site, est toujours un bon exercice, il ne faut pas se rater, ressentir la même impression, la même sensation de la lumière, là est la difficulté. Je ne garantis pas que tout est aussi exact que sur une photo, ce qui serait d'ailleurs stupide.

C'est pas fini...

Cet après-midi j'ai terminé les derniers rehauts, donc dernières touches plus épaisses, toujours au couteau. Que ce soit peint à la brosse ou au couteau le résultat optique, tel que je pratique, est pratiquement identique. En extérieur je préfère le couteau, plus rapide et moins contraignant, donc pour cette toile de confinement exécutée en atelier j'ai fait pareil de façon à retrouver mes habitudes et mes sensations.

Je vais laisser tout ça tranquille et en fin de semaine je verrai si je dois rectifier des tonalités en glacis dans le demi-frais, ceci m'est facile car j'additionne toujours mes couleurs à l'huile d'une certaine charge (minime) de copal et de résine tendre, ainsi la couleur ne forme pas de pellicule au séchage et évite tous les risques d'embus. A suivre...

53- Un coin de jardin à Lisieux

huile sur toile  27 x 41

 

Un petit coin de mon jardin, je n'ai pas de titre, peut-être "la porte verte"... mais alors, et mes iris et mes roses et mes arums ? Le titre d'une oeuvre n'est pas l'essentiel (pas plus que ces signatures intellectuellement tarabiscotées très à la mode).

Un format paysage en hauteur, inhabituel, mais tout à fait adapté pour cette vue à travers la porte de mon atelier.

La recherche ici n'est pas la précision photographique d'un catalogue de marchand de fleurs, c'est le contraire. Vision émotionnelle des couleurs et de la lumière, c'est tout, ceci oblige à ne pas chipoter du bout d'un pinceau à trois poils, ceci demande presque de la brutalité de touches. Comme tout est travaillé au couteau on peut dire que la couleur est tranchée dans le vif, image bien sûr. Une seule chose me préoccupe toujours, avec une forme d'obsession "la sincérité de l'émotion", que la toile soit peinte sur le motif ou non, peu importe. Ici, c'est le summum du bonheur... peindre sur le motif, en extérieur... à l'intérieur de mon atelier !

Modèle vivant... le jardin de l'autre côté de la porte de mon atelier !

D'autres ébauches vont me permettre de faire plusieurs toiles du même sujet.

54- Glycine d'avril, mon jardin à Lisieux

huile sur toile 40 x 50

Confinement total, mais heureusement mon atelier donne directement sur mon jardinet plein de plantes et de fleurs, je l'ai conçu entièrement pour le plaisir et pour pouvoir le peindre. Donc voici exactement ce que je vois à travers ma porte vitrée sans avoir besoin de mettre le nez dehors, un bonheur au milieu du malheur qui nous entoure en ce moment et que je ne peux partager, hélas, avec personne, sauf en vous montrant mes images. Un seul souci est que, à cause de cet isolement, seule la vue réduite à ces quelques mètres carrés me permet de peindre la nature à Lisieux.

55- Chemin du Bon Dieu Noir à Lisieux

huile sur toile 38 x 46

 

Eh bien voilà, prisonnier du virus je ne veux pas désespérer de la nature qui m'entoure à Lisieux... ce joli chemin creux est à deux pas de ma maison ! Un lavis de cet endroit et je pensais mettre tout ça en peinture, voilà c'est fait. Bon, j'ai travaillé uniquement en atelier, mais j'ai utilisé la même méthode de rapidité qu'en extérieur. Le début du printemps et un peu de soleil vif éclaire violemment les frondaisons, les aubépines blanches et roses donnent des tons pastel, une famille de promeneurs s'y aventure, donc c'est une belle journée lexovienne... Vivement les autres !

Le paradoxe artistiquement parlant est qu'à quelques dizaines de mètres de chez moi, en pleine ville, les merveilleux petits chemins creux, survivants mal entretenus de notre vie du moyen âge et traces de l'époque gallo-romaine (véridique) m'attendent. Ce dessin hâtif va m'inspirer pour le réutiliser aujourd'hui, il est super beau comme ça et je vais essayer, en calant une toile vierge sur mon chevalet d'atelier de confiné respectueux de la loi, d'en faire un truc sympa et bucolique en couleurs et en lumière... affaire à suivre !

56- Port Blanc, l'île aux femmes n° 2

huile sur toile 38 x 55 cm

Exécutée entièrement au couteau

Toile peinte sur les lumineux rivages des Côtes d'Armor, à Port-Blanc. Travaillée sur le motif en une seule séance, sachant que tous les quarts d'heure ou presque la lumière change, les nuages s'envolent, la mer monte, le vent se lève... enfin, tout pour s'amuser ! C'est ça le plaisir de peindre tel un Monet ou un Boudin, mais à cœur (de peintre) vaillant rien d'impossible !

Cette image insolite et décalée (touristiquement et artistiquement) illustre la difficulté de peindre en extérieur. Ce jour là, beaucoup de vent, donc pas de parasol et une toile qui vibre, ceci ne m'empêche pas de travailler. En plein covid 19 aucun vacancier ne se soucie des gestes de prudence, et même en m'isolant parfois dans des lieux éloignés les curieux sont là, à la limite de me bousculer... et jacassent... la culture n'est pas au rendez-vous... sauf de rares exceptions. Il est remarquable, et je le dis souvent, que ce sont les enfants et les jeunes ados qui sont les plus pertinents et avec qui les échanges sont étrangement passionnés (je peux parler en travaillant ceci m'est habituel), ensuite l'obsession du smartphone occulte le bon sens et devenu adultes c'est le sens critique bête qui domine. C'est comme ça et il ne faut pas s'en formaliser ou alors se cacher pour peindre !

57- Port Blanc, l'île aux femmes n° 3

huile sur toile 46 x 61 cm

Exécutée entièrement au couteau

Cette vue est plus ample que celle publiée précédemment.
L'exécution de cette toile s'est faite en trois étapes et deux jours. Le ciel devait s'accorder avec la mer et celle-ci avec les décalages des marées ne rend pas la tâche facile au long de la journée.
Si vous avez regardé avec attention les images où je peins devant mon chevalet, vous avez remarqué que je n'utilise pas de brosses en extérieur mais presque toujours des couteaux à peindre. C'est pour moi plus pratique, rapide surtout et facile à essuyer pour avoir des couleurs franches, pas besoin d'un godet d'essence pour laver ses pinceaux

Les difficultés du travail en extérieur ce sont : le transport des toiles fraîchement peintes. Les inévitables saletés, grains de sable, herbes et insectes qui se collent. Les intempéries. Et parfois les enquiquineurs... mais pour un peintre rien ne remplace le travail sur nature dans... la nature !

58- Les rochers sauvages de Buguélès

huile sur toile 38 x 55 cm

La côte Bretonne vers Penvénan cache un petit coin sauvage, "Buguélès", des rochers acérés comme des dents de requin alors que pas très loin ils sont énormes, ronds et roses. La nature recèle des mystères... bien intéressants pour un peintre. Je voulais aussi peindre le moulin à marée à côté mais vraiment trop de vent froid.

59- La tête de cheval

Toujours à Port-Blanc, la plage principale, ici cet entassement de "cailloux" est appelé la "tête de cheval". Les immenses plages de sable de notre côte normande n'existent pas dans les Côtes d'Armor. Ces enchevêtrement de roches et de galets donnent à marée basse une vision parfois lunaire mais dès que la mer arrive, monte, les couleurs de l'eau prennent des tonalités étonnantes.

60- Port- blanc, le rocher de la sentinelle

huile sur toile 38 x 54

Copié-collé de ma page FB

Sans vouloir vous fatiguer avec mes toiles impressionnistes, je vous donne quand même des nouvelles toutes fraîches sur ma dernière toile ! Toutes fraîches parce que la couleur à l'huile n'en est pas sèche du tout, et pour cause, je viens de la terminer il y a une heure à peine !
Lors de l'exposition "Lisieux en art" à Saint-Jacques, tous mes amis (et ceux qui ne le sont pas du tout) m'ont vu avec mon chevalet de campagne peindre cette toile sous les voûtes de l'ancienne église.
J'avais promis de tenir cette démonstration et de partager, avec qui était intéressé, quelques secrets (qui n'en sont pas)... C'est vrai que beaucoup de lexoviens sont venu me parler, échanges très intéressants, même si, en regardant autour de moi, il est évident de constater un vague sentiment s'apparentant au "principe de Peter".
Bon, oui, je sais, peindre ainsi un paysage de bord de mer est un peu idiot, mais justement c'était là une gageure à relever. J'ai donc joué le jeu à fond, en travaillant juste d'après une petite pochade faite sur place et aussi de mémoire (c'est un endroit que je connais assez bien). Cette "marine" représente ce qui s'appelle le rocher de la sentinelle, un endroit typique et un peu carte postale de Port-Blanc (Côte d'Armor).
La luminosité fantastique de Saint-Jacques était malgré tout fort désagréable puisque artificielle. Alors je me suis réservé une petite heure dans mon atelier pour en rectifier les tonalités, plus proches de la réalité. Je me suis autorisé à rendre plus chaudes les couleurs trop grises de la roche.
Je reste persuadé qu'un puriste y trouvera des défauts et ce sera ma punition... (humour).

Vous pouvez me contacter directement sur ce lien

Explication : En octobre 2020, première grande exposition de peinture dans l'église Saint-Jacques à Lisieux, un édifice religieux désacralisé depuis très longtemps, désaffecté et abandonné. Une récente réhabilitation permet maintenant d'utiliser ce lieu grandiose en immense salle d'exposition et d'animation culturelle.

Ayant été choisi comme invité d'honneur, j'ai, tous les jours, animé cette expo en travaillant sur place avec mon chevalet d'extérieur. 

 61- Merville-Franceville, le banc des oiseaux

huile sur toile 54 x 73

 

 La première toile de 2021 et j'espère la première d'une série de bords de mer.

L'endroit est situé sur la plage de Merville-Franceville, à droite de l'embouchure de l'Orne, Ouistreham est juste de l'autre côté. Cette bande de sable herbeuse, qui parfois devient une île, est le banc des oiseaux. Cette zone protégée est une magnifique réserve ornithologique juste à côté avec l'espace du Gros Blanc et les laisses de mer interdites à la promenade. Cependant, les chasseurs y exercent une activité soutenue.
Cette toile a été travaillée exactement comme si j'étais sur place, l'éclairage est dans mon dos, ce ciel était bien réel sur mes études préalables. Hier, j'ai ajusté quelques tonalités chaudes par frottis et glacis dans le frais, difficile à faire, mais magique, le maniement d'une brosse dure ou souple ne doit pas être raté, sinon faut tout reprendre, et ça, je n'aime pas du tout.